IL N'Y A PAS D'ART SANS CHANGEMENT.


RE / 511 - P
Veronese / Venus et Adonis / Le Prado

Au XVI° siècle, les progrès de la Réforme Protestante, conduisent l'Eglise Catholique, par l'intermédiaire du Concile de Trente ( 1545 - 1563 ),  à une remise en ordre énergique des pratiques religieuses, à une redéfinition de nombreux dogmes, à une codification des pratiques artistiques, afin qu'elles soient exclusivement au service de la liturgie: disparition des dieux Antiques ou Païens, et effacement des nudités, comme pour la Chapelle Sixtine peinte par Michel Ange.

RE / 514 - P
Le Greco / L'Annonciation / Le Prado

Le Concile définit aussi des règles de composition, et la liste des personnages devant figurer dans les oeuvres ; il limite les gammes colorées, et toute image devra recevoir l'approbation du clergé. C'est la contre-réforme.

RE / 540 - P
Plafond de l'escalier de L'Escorial

Des modèles validés vont circuler dans les ateliers de peintres et de sculpteurs, et progressivement, une esthétique va s'imposer et un goût va se former. Ils perdureront jusqu'au début du XX° siècle, et ils restent intransgressables pour bon nombre de gens, que l' Art Contemporain fait fuir. Pour eux, la notion de beau s'accorde avec la bienséance ( pas de sexe ), avec la représentation figurative ( pas d'abstraction ), et avec un certain nombre de thèmes historiquement repérés, et encore entérinés par les formats des châssis: marine, paysage, figure.

CL / 148 - P
Philippe de Champaigne / ex-voto / 1662 / M d L

S'il y il y a eu bien des changements depuis le Concile de Trente,  ce n'est qu'au XX° siècle, en premier lieu avec le Cubisme, que les matériaux même de l'artiste, ainsi que la construction du sens de l'oeuvre, seront radicalement mis en cause.Entre temps, il faut évoquer l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, fondée par Mazarin en 1655, et soutenue fermement par Colbert. Cette institution détermine un classement, des différentes formes d'expression: la peinture vient en premier, puis la sculpture, l'architecture, puis le reste ( vitrail, céramique, marqueterie...) dans une catégorie dite des arts mineurs.Cette classification était encore en vigueur il y a quelques décennies, dans des manuels d'Histoire de l'Art.

CL / 322 - P
Nicolas Poussin / Le Christ au tombeau / Munich

Mais l'Académie ne saurait se réduire à l'académisme.Une lutte intellectuelle farouche et féconde va s'y dérouler pendant des décennies. Elle opposera chez les peintres, d'un côté les tenants du dessin, considéré   comme élément supérieur, la couleur étant perçue comme coquetterie ( vision empruntée aux Grecs ), avec à leur tête, Nicolas Poussin,

CL / 129 - P
Pierre Rubens / le Christ entre les 2 larrons / Tlse

et de l'autre, les tenants de la couleur, utilisée comme matière et forme, source de libération et d'innovation, avec à leur tête, Pierre Rubens. Grâce à ce grand débat, dont les coloristes sortiront finalement vainqueurs, un premier grand changement allait s'opérer durablement.

MD / 293 - P
Dominique Ingres / La maladie d'Antiochus / 1866 / Montpellier

Cependant, au XIX° siècle, on pourra encore dire que Ingres représente le courant des dessinateurs...

MD / 504 - P
Eugène Delacroix / Christ en croix d'après Rubens / 1850

tandis que Delacroix représente celui des coloristes.

CL / 323 - P
Choeur Baroque de l'église de Celle / Allemagne / 1613

En outre, un principe fondamental, issu de l'Académie, et des artistes  qui y sont élus, viendra fonder  tout l'Art Baroque, du XVII° siècle. C'est l'aporie, ou contradiction irréductible en philosophie, qui oppose la loi et la pulsion. C'est donc à l'intérieur des règles, en particulier celles que se donne l'artiste lui-même, que peut s'épanouir la création. Au XX° siècle, Georges Braque dira: “ j'aime la règle qui corrige l'émotion, j'aime l'émotion qui corrige la règle “.

MD / 118 - P
Claude Monet / Impression soleil levant, au port du Havre

En 1872 Monet peint “ Impression au soleil levant “. Ce titre vaudra à sa peinture l'appellation sarcastique de “ Impressionniste “.Si l'Impressionnisme déchaîna autant de passion et de haine, à sonépoque, c'est que les artistes qui s'en réclamaient, bouleversaient  les codes établis, dont nous avons rapidement évoqué les origines: disparition du bon goût par la trivialité , et la banalité des thèmes abordés, empruntés au quotidien, au lieu de représenter des scènes historiques, allégoriques ou religieuses,  reniement des techniques classiques de la peinture, et du dessin d'académie ; mais plus encore ces artistes prétendaient peindre ce qu'ils voyaient, et ce qu'ils ressentaient. Enfin, ils faisaient appel à la science  et même à la photographie, pour valider leur façon de juxtaposer les tâches de couleurs, ou pour représenter le galop d'un cheval. Le physicien Chevreul, était leur ami.

CT / 425 - P
Wassily Kandinsky / 1° aquarelle abstraite / 1910

En 1910, Wassily Kandinsky, peint la première œuvre abstraite, c'est à dire n'ayant pas de référence perceptible, à une forme, à un objet, à une idée. Il justifie cette invraisemblable nouveauté, dans un ouvrage qui fera date, avec pour titre “ Du Spirituel dans l'Art “. Le spirituel n'est  plus alors confondu avec les représentations religieuses.

MD / 482 - PHO
Académie de l'Album / photo de Durieu pour Delacroix / 1854

On peut remarquer que depuis le milieu du XIX° siècle,, la photographie en plein essor, devient progressivement accessible aux amateurs, et qu'elle libère les peintres, en quelque sorte, de 'immuable nécessité de ressemblance.

MD / 483 - PHO
Etude de Delacroix d'après la photo de Durieu

Elle fut très appréciée de Delacroix, puis des Impressionnistes,  qui y puisaient toutes sortes de modèles, faisant entrer la ville, le mouvement, la modernité, dans l'atelier.

CT / 524 - PHO
Edouard Vuillard / Annette aux bigoudis / en haut huile, en bas photo prise par le peintre

CT / 1568 - P
Pablo Picasso / Portrait de Kahnweiler / 1910

Rompant avec la peinture imitative traditionnelle, les Cubistes créent un espace nouveau qui s'affirme sur une vision conceptuelle du sujet, d'où sont éliminés notamment les règles de toute perspective académique, le modelé et le clair-obscur, qu'ils considèrent comme des subterfuges.
Pour signifier le volume, ils utilisent des plans géométriques, dont les faces et les profils s'imbriquent les uns aux autres.  Ils représentent l'objet non tel qu'il leur apparaît, mais tel qu'ils le conçoivent. “ Le monde visible ne devient le monde réel, que par l'opération de la pensée “ (Albert Gleizes ). L'objet, le déchet, sont même incorporés à la toile, ou assemblés, pour former des sculptures.

MD / 23 - AV
Jules Etienne Marey / chronographie du saut et de la course / 1882

C'est en partant des photos scientifiques du Docteur Marey, pour étudier et décomposer le mouvement des sportifs et des animaux, que Marcel Duchamp peint en 1912 son premier “ Nu descendant un escalier “.

CT / 131 - P
Marcel Duchamp / Nu descendant un escalier n° 3 / 1916

“ Il ne s'agit plus d'une peinture, dit Duchamp, mais d'une organisation d'éléments cinétiques, d'une expression du temps et de l'espace, par la représentation abstraite du mouvement. “

CT / 4186 - S
Marcel Duchamp / Fontaine / 1917

En 1914, le même Duchamp, appose sa signature, sur un porte bouteille, puis sur un urinoir, créant ainsi les premiers Ready-made, ou objets tout faits. L'artiste désigne ainsi ce qui doit faire art à nos yeux, détournant l'objet, de sa fonction d'usage, vers une fonction de questionnement, ce qui impose de porter un regard neuf sur le quotidien,  sur le banal. Tout peut devenir Art, par la volonté de
l'artiste.

CT / 4372 -  S
Claes Oldenburg / Truelle / 1971

De ce scandale initial, est né ce qu'on nommera plus tard, le Pop Art, l'Art Conceptuel, L'Art Pauvre, les Installations..., ainsi que d'innombrables libertés conquises, sur les conformismes, les normes établies, les valeurs sûres. Car avec Duchamp, l'artiste manie autant les concepts, que les matériaux. La peinture n'est plus le seul médium ; les frontières entre peinture, sculpture, spectacle, s'éffondrent, au profit de la recherche de l'adéquation entre un projet et son mode de réalisation.


En 1970, Claes Oldenburg, définit ainsi sa position :
    “ Je suis pour un art politico-érotico-mystique, qui ne se contente pas de rester assis sur son derrière dans un musée.
    Je suis pour un art qui se développe sans même savoir qu'il est de l'art, un art auquel on laisse sa chance de partir de zéro.
    Je suis pour un art qui se mêle au fatras ordinaire et qui cependant parvient à atteindre le sommet.
    Je suis pour un art qui imite l'humain, qui est comique s'il le faut, ou violent, ou quoi que ce soit à partir du moment où c'est nécessaire.
    Je suis pour un art dont la forme épouse les lignes de la vie elle-même, un art qui se tord et s'allonge et s'entasse et crache et bave, qui est lourd et vulgaire et obtus et doux et stupide comme la
vie elle-même.”


CT / 1642 - P
Jackson Pollock réalisant un “ drepping “

Dans les années 50, Jackson Pollock, fait couler de la peinture sur ses toiles posées au sol, par un trou percé dans une boite de conserve, faisant appel au hasard relatif de la répétition du geste,  et des limites physiques de la motricité du bras du peintre. La toile est vue comme un fragment d'immensité.

CT / 2419 - P
J Pollock  / 1955

Ce faisant, il libére l'artiste de la nécéssité de l'esquisse, de la composition, du sens de lecture, et de tout symbolisme.

CT / 10087
Hermann Nietsch / Orgien Mystérien Théater /  Eindhoven /1983

Les grands remous politiques, culturels, artistiques des années 70, engendrent un foisonnement d'idées, de courants, de groupes. L'art doit rejoindre le politique, dit-on alors, et doit être nécessairement engagé. En Autriche, les Actionnistes Viennois, se reclament  de la psychanalyse de Wilhelm Reich, tandis qu'en Hollande, Hermann Nietsch fonde “ l'Orgien Mystérien Théater “.

CT / 10086 - TH
Aktion du O.M.T / 1975

Le corps de l'artiste dénudé, est présenté au public dans des rituels sanglants, et blasphématoires. Tous les tabous doivent être brisés. Toute limite est considérée comme une névrose à combattre.

CT / 658 - PHO
Juan Hidalgo / hommes, femmes, mains / 1977

CT / 1860 - P
Jacqueline Dauriac / le si je te / 77 / pâte  d'amande à ne manger qu'àprès reconciliation avec son amant.

Suivra le Body Art, où toutes sortes d'artistes feront de leur corps, de leur sang, de leurs sécrétions, le lieu et le moyen de leur création. Rancillac fera du boudin de son sang, Manzoni vendra ses excréments dans des boites de conserve, etc

CT / 4289 - S
Christo / Running Fence / 40 km / 1976

A la même époque, fascinés par les mystérieux tracés du désert de Nazca, ou par les Stupas de pierres empilées des montagnes Népalaises, des artistes Américains, utilisent les immensités des Etats Unis, pour intervenir directement dans la nature, à des échelles telles que le spectateur ne peut souvent voir la totalité de leur travail, qu'en se déplaçant. Le “ Land Art “, dissout les limites de l'oeuvre, et place le spectateur au coeur de celle-ci, comme dans cette barrière de toile que Christo installe sur une distance de 40 km de long, coupant au passage, routes et champs, créant un nouvel horizon.

CT / 4388 - S
Christo / Biscayne Bay / Miami / 1980 - 83

Ou encore lorsqu'il entoure les iles de Biscayne Bay, à Miami, en 83, à l'aide de bâches roses, posées sur l'eau. Les artistes depuis toujours, apportaient le maximum de soins à la fabrication de leurs oeuvres, afin qu'elles défient le temps, et espèrent l'éternité, et voilà que de nouveaux artistes, ne travaillent que dans l'éphémère. Il ne reste de leurs productions que des documents, des photos, des souvenirs. La valeur marchande de l'oeuvre disparaît, l'artiste, dans le meilleur des cas, répond à une commande. Mais les intempéries ont souvent le dernier mot, et font disparaitre ces chateâux de sable pour grands.

CT / 1371 - P
Atelier de Louis Cane, et toile préparée au sol / 76

Bref dans sa durée, de 70 à 72, mais important pour son influence en France, le groupe Support Surface, très influencé par Marx, et  Freud, remet en cause les éléments mêmes de la toile: il prône l'abandon du châssis ; la toile peut être posée à plat au sol, ou clouée au mur.

CT / 1375 - P
Louis Cane, galerie Templon / 75

La couleur, utilisée de façon “indécidable”, selon Marc Devade, perd toute valeur figurative ou symbolique. Ces prises de position vont rencontrer un écho considérable dans le milieu artistique, et en particulier chez les étudiants en Art. Ceux ci vont rejeter avec violence, toute l'Histoire de l'Art, toutes les contraintes du savoir ; on parlera de la nécessité de brûler les Musées.

CT : 3558 - P
Christian Jaccard / Toiles et combustions / 84

On ne passera pas à l'acte, car dans un sursaut de légitime défense, les Musées ouvriront leurs portes toutes grandes à leurs jeunes détracteurs, qui rangeront leurs briquets, pour venir y accrocher leurs toiles.

CT / 3779 - P
Claude Viallat / Centre Pompidou / 1981

Il habitait Nice, et les peintres en bâtiment dans cette région blanchissaient les cuisines, puis trempaient des éponges dans la peinture bleue, et en temponnaient les murs. C'est à partir de cette observation que Viallat a décidé de régler une fois pour toute, le problème du sujet, et celui de la représentation, mais aussi celui du format, en peignant sur des bâches de récupération, la même forme d'éponge, multipliée à l'infini, depuis près de 30 ans.

CT / 151 - P
Joseph Beuys / Scène de chasse au cerf / 1961

Beuys, est un des personnages clef, de la création de ces dernières années. Son discours politique, vise à couper radicalement l'expression artistique de tout effet décoratif. Il disait: “  Ma personne est parfaitement inintéressante. Je tente seulement de représenter des rapports de force dans le monde, tels qu'ils sont et tels qu'ils doivent être demain, c'est-à-dire différents. “

CT / 4453 - P
Andy Warhol / Daily News / 1962

Venu de la publicité, et en maitrisant tous les procédés, Warhol, fut probablement le premier artiste à transformer l'art en buseness, et à médiatiser son statut d'artiste, pour mieux mettre en évidence la société Américaine de la consommation.En 1969 il déclare:“ Je trouve ça formidable d'être capable de changer de style.Et je pense que c'est ce qui va se passer, et que tout va changer ainsi. C'est probablement pour cette raison que j'utilise maintenant la sérigraphie. Il faudrait que quelqu'un d'autre puisse faire toutes mes peintures à ma place. Je ne suis pas parvenu à rendre chaque image purement et simplement identique à la première, comme si c'était la première. Ce serait formidable que d'autres gens se mettent à la sérigraphie, pour que l'on ne sache pas si c'est moi qui ai peint le tableau, ou bien quelqu'un d'autre. “

CT / 3844 - P
Gerhard Richter / Permutations 1024 / 300 x 300 / 1973

Dix ans plus tard, Richter affirme le contraire, dans le texte: “ Accepter que je ne puisse pas planifier.”
“Toute réflexion entreprise pour « construire » un tableau est une erreur, et si l'exécution réussit, ce n'est que parce que j'ai partiellement détruit cette construction ou parce qu'elle fonctionne malgré tout,  qu'elle ne dérange pas et n'a pas l'air d'avoir été calculée. Accepter ce fait est parfois insupportable et même impossible, car en tant qu'être pensant se projetant dans l'avenir, je suis humilié de constater une telle impuissance et je doute de mes compétences comme de toute aptitude à construire.Ma seule consolation est de pouvoir me dire que néanmoins, j'ai réalisé ces tableaux, même s'ils obéissent à leurs propres lois, agissent contre ma volonté, et voient le jour d'une manière ou d'une autre. Car, quoi qu'il en soit, c'est à moi de décider l'aspect final que je les autorise à avoir .
Vu sous cet angle, tout me paraît pourtant évident, ou, mieux, naturel, vivant et analogue au domaine social. “


CT / 1016 - P
Hervé Fischer / Pillules Anticonceptuelles pour artistes / 72

Hervé Fischer, fonde avec Fred Forest, qui vendra en ligne la première oeuvre virtuelle, l'Art Sociologique.  “Je pense que la plus importante chose à faire,  c'est d'analyser le fonctionnement sociologique de l'art actuel, indépendamment des travaux qui consistent à faire de l'artisanat commercial, des productions en série, comme Vasarely, ou bien à euphoriser le cadre urbain, c'est à dire à mettre de la couleur sur des façades, à enjoliver le cadre de vie libéral et artificiel de notre société.C'est une chose nécessaire, mais qui ne correspond pas à la fonction que je souhaite être celle de l'artiste, qui est plutôt celle d'être la mauvaise conscience d'une société qui en manque considérablement.”

CT / 2870 - P
Ernest Pignon / Les accidentés du travail / 75

“ Tous les problèmes picturaux, je me les étais posés la dernière année ou j'ai fait des tableaux. L'oeuvre sacrée, la séparation avec le public. Puis ce sont les réalités dont j'ai voulu parler qui m'ont amené à déterminer cette technique d'affiche qui répondait à un besoin, comme à une commande sociale.L'exposition durait 12 jours. Il y avait sur les murs, grandeur nature, alignés, les 13 types qui allaient mourir d'accident du travail, chaque jour, pendant la durée de l'exposition.. Ca faisait donc 156 personnages alignés et on en barrait 13 par jour. L'oeuvre n'existait que pendant le temps de l'exposition.”

CT / 5190 - P
Annette Messager / Double page dans Libération / 6 - 7 - 04

Elle travaille principalement sur les stéréotypes de notre société: désirs, peurs, rêves, qu'elle met en scène dans les lieux où elle expose. Cette oeuvre en grande partie éphémère, est complétée par des assemblages de photos et de dessins, par des albums témoins du quotidien.
“ j'accepte entièrement le risque de confusion dans mes intentions, de la part des spectateurs. Je suis moi-même en pleine confusion sûrement, et je crois que ça donne un travail qui est vivant.  Je ne livre pas de clef, et je ne donne pas une solution à mon travail ; il n'y en a peut-être pas, ou peut-être plusieurs . Quand le travail est fait il ne m'intéresse plus."

CT / 660 - PHO
Laurent La Gamba / Camouflage / 04

“ Ce que je tente de souligner en appliquant cette technique du camouflage à l'espace visuel, du supermarché, par exemple, est bien que cet espace est en train de devenir le “milieu” de l'homme contemporain, à savoir un milieu avec lequel il entretient un rapport identique à celui d'un insecte dans la forêt, c'est à dire un espace dont il tente d'identifier les codes chromatiques, les varations olychromiques et visuelles, et dans lequel il élabore de nouvelles danses de parades, de séduction ou de défense.

CT / 4510 - P
Christian De Cambiaire / Aérographisme manuel / Acrylique : 73

Totalement investi dans une démarche créatrice, dans laquelle les mathématiques jouent un rôle déterminant, De Cambiaire, dans les années 70, est tributaire des moyens techniques de l'époque. Il réalise ses toiles à la main, en projetant de la peinture au pistolet, sur des caches, à partir d'une distribution calculée, au sens mathématique du terme.

CT / 4513 - P
De Cambiaire / Concaténation décachrome n° 310 / 86

Le système de répartition, faisant appel à la concaténation, commence à utiliser les algorythmes informatiques. Mais la réalisation, en bois et acrylique, reste manuelle.

CT / 4517 - P
C De C / Distribution unichrome / 89

Tout le travail préparatoire est réalisé sur ordinateur. Mais les machines de l'époque, ne peuvent encore réaliser de grands formats.

CT / 5188 - P
C De C / Peinture numérique N ° 529 / 200 x 160 / 2000

Le pas est franchi. En 2000, on trouve des machine à jet d'encre qui impriment sur de grandes toiles, et qui permettent de reproduire à l'identique une oeuvre, dans la quantité que l'on désire, et surtout avec une précision, impossible à obtenir manuellement. Aujourd'hui, on peut imprimer des bâches de 5m sur 100m.

CT / 1 - NUM
C De C / Monnommesnoms / programme mathé. / jet d'encre / 04

Pour cette série, il a fait appel au Centre de Calcul de la Faculté de Toulouse Rangueil,  qui lui a préparé un logiciel lui permettant  d'imprimer les 74000 variations de son nom, obtenues en permutant les lettres du mot Cambiaire. Vu de loin, on pense que tout est pareil, fait de rectangles gris uniformes.

CT / 2 - NUM

Quand on s'approche on distingue des lignes verticales.

CT / 3 - NUM

De plus près, on remarque qu'il y a aussi des lignes horizontales.

CT / 4 - NUM

Enfin, de tout près, on peut lire les colonnes de mots, absolument tous différents. Le changement se fait “ à vue “. Encore faut-il que le spectateur bouge. De Cambiaire, dans une logique de recherche de l'adéquation entre le projet et le procédé, a ensuite réalisé Monnommesnoms en vidéo numérique, accompagnant en boucle, les impressions numériques. Il a plus de 70 ans et attend avec interêt les prochaines évolutions technologiques, pour avancer plus loin dans sa quête de perfection.

CT / 21 - VER
B de Aube, recto gravé à l'acide

Le Maître Verrier, Dominique Fleury, a mis son atelier à ma disposition, pendant l'année 2002, avec pour objectif d'y étudier les techniques traditionnelles du vitrail, et de les adapter aux procédés les plus récents,  à l'informatique, et à la vidéo dont j'avais la pratique.

“Quatro “, est une suite de 4 mots de 4 lettres: Aube, Ciel, Vent, Echo.Un premier verre opalin, gravé à l'acide, fait apparaitre un grand cercle avec une grande lettre au centre, mais il permet aussi de découvrir les petites lettres, peintes en grisailles, sur le second verre, 3 cm plus loin.

CT / 19 - VER
B de Aube, verso, peint aux grisailles.Toutes les recherches furent faites sur palette graphique. Puis la mise au point mit en oeuvre différents logiciels 2D. Pour chaque lettre il y a 3 fichiers informatiques: un pour le verre opalin, à graver, un pour la face avant du second verre, un pour la face arrière. A partir de ces fichiers, on a fait réaliser des pochoirs par découpe robotique, qui furent collés sur les verres, soit pour l'acide, soit pour les grisailles des XI°, XII°, XIV°, et XV° siècles, cuites en plusieurs passages au four.

CT / 14 - VER
Quatro: Aube / 4 fois 30 x 30 / 3 - 2002

Les 4 lettres lettres de chaque mot, peuvent s'assembler en carré ou en bande, pour réaliser des “ fenêtres “.

Sitôt les verres assemblés, j'ai eu absolument besoin de tourner un filmnumérique, mettant en évidence le rapport de la nature avec ce travail, et du contenu poétique des mots choisis.

CONCLUSION

Georges DUBY disait quelques mois avant sa disparition “ l'art ne construit pas la société, il lui répond ”. L'accélération de l'Histoire, perceptible depuis la fin du XIX° siècle, apparait également de façon évidente en art, où aujourd'hui, il n'y a plus de continuité plastique, conceptuelle, idéologique. Les retours réguliers à la figuration, puis à la géométrisation, puis à l'abstraction..., ne cessent de se cotoyer, de se superposer, de s'exclure. Un même artiste peut connaître des périodes qui se succèdent dans ce qui semble la plus totale contradiction. Marc Pescin dit que “ l'artiste qui n'a pas de contradiction est un décorateur ; mûrir pour un artiste, c'est assister à l'aggravation de ses contradictions “

Les désirs et les craintes, les tensions et les proclamations, s'expriment dans une recherche individualiste et solitaire, car il n'y a plus ni école, ni groupe, ni théorie. Nous assistons à une atomisation de la pensée et de la pratique plastique, à une sorte de transformation à vue permanente, riche de propositions, encombrée aussi de déchets.

Il arrive que des fragments forment concrétion . C'est ce qui semble apparaître actuellement avec l'émergence d'un art multi-média, emprunt direct à l'évolution technologique

La crise du marché de l'art, la chute brutale des côtes, même celles des artistes les plus en vue, traduit à son tour le désaroi des amateurs, qui hésitent entre un art de consommation, ludique et attentiste, et un art de réflexion, plus âpre, moins facile à apprivoiser.

La diversité des styles et des genres dans l'art contemporain, montre que les artistes voguent chacun sur son radeau, chacun visant un horizon, sans désir autre que d'oeuvrer à sa propre survie. Pour Catherine Millet :“ Les artistes, conscients des impasses auxquelles ont mené les utopies de la modernité ( entre autres, dans la façon d'envisager les rapports de l'art et de la société ), renouent toutefois avec un des grands principes de la modernité, celui de la transgression.

La transgression n'est elle pas une des formes les plus radicales de changement ?

 

" Il n'y a pas d'art sans changement"
Claude Jeanmart, 8 - 8 - 2004